Le Cigare ou le baiser de feu

Divertissement autour d’un poème de Mallarmé

Mallarmé, portrait d’Edouard Manet

Le divertissement est une chose trop sérieuse pour la laisser aux seuls augustes et trop légère pour la confier uniquement aux philosophes. Je propose, nous verrons pourquoi, de le confier aux fumeurs de Cigare. En effet, le divertissement est comme un grand Puro dont l’identification par les sens relève d’un jeu riche et complexe. Un éclat d’esprit, plus qu’un éclat de rire, nous met en sa présence, dont l’ennui est par opposition la marque même de son absence. Je vous invite donc à nous tenir entre la pesanteur des choses et la légèreté du Cigare. Je vous invite au divertissement, c’est-à-dire, aux exercices spirituels. Autrement dit, je vous invite à tester par le Cigare la preuve ontologique de l’existence de l’âme.

Nous verrons plus loin si, à l’abordage de la question qui nous occupe, il en va du Cigare comme des exercices spirituels ou érotiques, ou si l’enjeu d’un baiser de feu est d’être à la fois tout un éros animé, un cercle enflammé autour d’une trompette couleur café, le rougissant mouvant d’un Cigare immobile. Par
ailleurs, nous verrons, si de tous les baisers de feu, celui d’éros est le plus brûlant de tous. Car il y a aussi des Feux qui brûlent de l’intérieur, s’en consumant eux-mêmes et dont le baiser demeure en suspens. Peut-être le Cigare en est-il la preuve par le feu justement d’une brûlure toujours espérée sans attente et toujours désirée sans l’avoir. Entre flamme et cendre, le Cigare est un cercle de vie dans un cylindre végétal, où s’avivent les quatre éléments constitutifs de notre univers : le feu et l’air, l’eau et la terre. Ils pourraient nous combler, si le seul va et vient suffisait à faire monter l’eau à la bouche sans avoir pour cela même le feu ailleurs.