Conferencia de Nelson Vallejo-Gómez en el Parlamento Europeo para la comisión educativa de la simulación de sesión parlamentaria llevada a cabo por 300 jóvenes de la Association EuopAgora, procedentes de los 27 países de la Unión, reunidos en el Parlamento Europeo (Strasbourg, 22 y 23 de mayo 2024)
Grâce à l’association EuropAgora et à ses partenaires, que je remercie vivement, me voilà devant vous, chers Représentants de la Jeunesse et de la société civile européenne.
Vous êtes, durant ces deux journées, en simulation d’une séance plénière du Parlement européen. Investis symboliquement du pouvoir législatif des députés, il vous revient de savoir, par conséquent, que leurs compétences et celles des institutions de l’Union sont délimitées par le principe d’attribution que les pays membres leur confient dans les traités et encadrées, le cas échéant, par les principes de subsidiarité et de proportionnalité.
C’est en faisant appel à votre dignité inaliénable et à votre esprit illustré, à vos racines et à vos ailes, à votre condition humaine et à votre identité terrienne que j’ai l’honneur et le plaisir de vous adresser une proposition de résolution relative à un principe complémentaire dont je vous entretiendrez ici. L’objectif est à la fois simple et complexe : rendre l’UniDiversité de l’Union européenne plus systémique, créative et heureuse.
Quand je dis vouloir interpeler « vos racines et vos ailes », je songe à la vielle opposition de Platon, disant dans son dialogue Timée, il y a plus de 24 siècles, que « nous sommes une plante, non point terrestre, mais céleste ». Il nous faut désormais relier cette opposition, à partir du paradigme de complexité, car s’il est vrai que notre corps est composé des particules élaborées par des explosions solaires antérieures au soleil de notre constellation, nos diverses connexions cognitives ne sont en réalité activées, développées et enrichies que grâce aux interactions que nos racines familiales, communautaires et nationales, que nos langues, langages et sensations, sentiments et pensées mettent en relation pour faire émerger notre condition humaine et notre identité terrestre, notre triade dialogique : individu, société, nature.
Je vous propose un principe d’énergie spirituelle pour retrouver toujours le mouvant dans la matérialité prosaïque du bureaucratique et pour neutraliser, autant que possible, l’ennui, « fruit de la morne incuriosité », comme disait Baudelaire. Les institutions, les organisations et les fonctionnaires qui ne se régénèrent pas, dégénèrent. L’enjeu y est de faire en sorte que l’urgent n’oublie jamais l’essentiel, que le marchandage idéologique des moyens ne pervertisse ni ne dénigre les principes fondateurs et les finalités transcendantales d’une organisation complexe.
Il ne faut jamais oublier les leçons de grands penseurs européens. Nietzsche, à la fin du XIXème siècle, nous alertait déjà sur le « nihilisme européen ». Il disait que ce mal était aussi périlleux que le désert qui croit. La morale peut être pervertie, usurpée et dévoyée par les apologistes de la guerre. Ils parlent de paix tout en égorgeant leur voisin, comme les terroristes qui se réclament du salut pour autrui, tout en l’assassinant. Le nihilisme, une « passion triste » comme aurait dit Spinoza dès le XVIIème siècle, est une volonté de puissance transformée en délire impériale. Cela conduit à voler les terres, à violer les femmes et à tuer les enfants des autres, quand ceux-ci refusent de se soumettre aux dictats de tyrans ou à la loi de la force.
Ce « nihilisme » détecté par Nietzche, ce « malaise dans la civilisation » diagnostiquée par Freud, cette soif de plus-value sans dieu ni maître du capitalisme auto-éco-destructeur théorisé par Marx, c’est en fait le cynisme et l’indifférence à l’égard des valeurs universelles, telles que la dignité humaine, le droit à la vie et le droit à l’intégrité physique et mentale des personnes.
Au début du siècle dernier, Husserl avait résumé la crise de ce qu’il avait appelé les sciences européennes ou l’esprit transcendantale en Europe par cette sentence terrible et lapidaire : « Le plus grand péril qui menace l’Europe, c’est la lassitude ».
Vous voilà avisés, cher jeunes députées en simulation législative. C’est pourquoi, de manière tout aussi symbolique, je vous propose d’imaginer que vous allez discuter et voter une résolution nouvelle, ayant force contraignante, afin de l’inscrire dans le Traité consolidé qui porte fondation et fonctionnement de l’Union européenne.
La tâche est à la fois capitale, aléatoire et incertaine. Elle concerne, en fait, l’humanité toute entière. Prenons conscience que l’archéologie de notre condition humaine est bien passée d’état de larve à la maîtrise opératoire du contenu (les nombres irrationnels), via l’état simien ; elle trouve ses différentes métamorphoses depuis une poussière d’étoile à la maîtrise de l’atome, la création d’une fugue de Bach, voire à l’innommable Auschwitz. Alors, peut-être bien qu’après un XXème siècle frappé du sceau de l’infamie et de la prise de conscience européenne d’être pour les homo sapiens comme dans une « ère de fer planétaire », dira-t-on du XXIème siècle qu’il doit être celui du respect de la dignité humaine du point de vue cosmopolitique ou il ne sera pas.
De l’attribution, la subsidiarité et la proportionnalité en clé Po-Éthique de Civilité
Voici donc quelques réflexions pour la rédaction de la nouvelle résolution. M’inspirant de la méthode de la pensée complexe d’Edgar Morin, je la nommerai : PoÉthique de Civilité. En effet, de même que l’on a institué la dignité humaine comme le premier principe fondateur pour le Traité constitutionnel d l’Union européenne, je suggère que l’on y ajoute en nova principium de finalité même, la civilité. Po-Éthique de Civilité est un principe dynamique pour exercer de façon qualitative et systémique les compétences en délégation, en subsidiarité et en proportionnalité, pour mettre en relation interactive et virtuose les trois principes fonctionnels relatifs à la régulation des pouvoirs des institutions en générales et des institutions européennes en particulier.
Penser et agir en Po-Éthique de Civilité permet de développer, en fait, les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, que nous avons contribué à faire émerger et à institutionnaliser avec Edgar Morin à l’UNESCO (Paris, 1999), grâce au soutien indéfectible de Gustavo López Ospina et Federico Mayor. Je les rappelle, parce que leur puissance nominative est exemplaire : 1. Savoir identifier les cécités de la connaissance : l’erreur et l’illusion ; 2. Savoir les principes d’une connaissance pertinente (le contexte, le global, le multidimensionnel et le complexe) ; 3. Enseigner la condition humaine ; 4. Enseigner l’identité terrienne ; 5. Savoir affronter les incertitudes ; 6. Enseigner la compréhension humaine et 7. Pratiquer l’éthique du genre humain pour que l’humanité nous soit comme un destin planétaire. Un trésor est caché là-dedans, comme dirait La Fontaine.
Avant de présenter plus en détail la Po-Éthique de Civilité, il me parait important de rappeler, alors que vous êtes comme des députés en législation dans cet hémicycle, les définitions que le Traité constitutionnel de l’Union donne des trois principes fondamentaux à l’exercice de son pouvoir. C’est important, car chaque mot dans ces définitions a été soigneusement réfléchi et retenu de façon consensuelle par chacun des représentants des pays membres, lors de la rédaction et la signature du
Traité, en vigueur depuis seulement 15 ans. Certes, paraphrasant un poème de Baudelaire, sachons que l’Union a plus de souvenirs que si elle avait plus de deux mille ans.
Les définitions de ces trois principes structurants et régulateurs des pouvoirs, dont est investie l’Union, se trouvent être comme sur les épaules des géants, comme sur les jets les plus haut du génie en sciences, en humanités et en arts des européens. Ce génie est en fait l’art de l’insolence (Chantal del Sol) ou l’énergie spirituelle d’une culture en subsidiarité (Rémi Brague), toujours à même d’inclure les cultures, les disruptions innovatrices et créatrices des autres peuples et cultures. C’est pourquoi, l’idée d’eurocentrisme est d’emblée contradiciton in terminis chez ceux qui s’attaquent à l’histoire européenne et derechef à celle d’Occident, ne faisant y apparaître que leur ignorance du principe de subsidiarité.
Les définitions en question contiennent en filigrane les retours d’expériences, depuis l’Antiquité, portant sur les libertés fondamentales, sur l’égalité, la fraternité et la solidarité, sur la régulation de la force et sa respective solution des conflits, quand il s’agit d’établir et d’instituer une séparation intelligente et consensuelle, légale et juste des pouvoirs. Montesquieu nous avait déjà appris l’importance de la séparation des pouvoirs, afin de contrôler, autant que possible, dans tout gouvernement, toute gouvernance et toute gouvernabilité, le délire de la subjectivité exacerbée des égos se croyant tout puissant et la objectivité stupide de la rationalité instrumentalisée dans quelque « raison d’Etat » idéologique ou théocratique.
Rappelons, enfin, les 4 incises de l’article 5 du Traité dit de Lisbonne, qui
institue les principes de séparation et de régulation des pouvoirs entre les pays membres et instaure une personnalité juridique nommée Union européenne, dont la devise, In varietate concordia (Unis dans la Diversité) synthétise de façon magistrale toute la dialogique de complexité qui s’y trouve en métamorphose et en émergence créatrice.
Incise 1 : « Le principe d’attribution régit la délimitation des compétences de l’Union. Les principes de subsidiarité et de proportionnalité régissent l’exercice de ces compétences. »
Incise 2 : « En vertu du principe d’attribution, l’Union n’agit que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées dans les traités pour atteindre les objectifs que ces traités établissent. Toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux États membres. »
Incise 3 : « En vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l’Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu’au niveau régional et local, mais peuvent l’être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l’action
envisagée, au niveau de l’Union. Les institutions de l’Union appliquent le principe de subsidiarité conformément au protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Les parlements nationaux veillent au respect du principe de subsidiarité conformément à la procédure prévue dans ce protocole. »
Incise 4 : « En vertu du principe de proportionnalité, le contenu et la forme de l’action de l’Union n’excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités. Les institutions de l’Union appliquent le principe de proportionnalité conformément au protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité. »
Vous verrez, en étudiant attentivement les tenants et les aboutissants de ces trois principes, mais aussi, en prenant en compte ma proposition de résolution pour un principe de transversalité et de complémentarité dit Po-Éthique de Civilité, pourquoi les régimes autoritaires de par le vaste monde et les idéologies totalitaires et fascisantes qui grandissent, hélas !, comme poussent les caudillos de la terreur dans les sociétés corrompues et les Etats en faillite, cherchent par tous les moyens matériels et
immatériels à dénigrer et à détruire les principes et les valeurs de l’Union européenne. Si vous prenez sérieusement conscience de cela, vous deviendrez les plus convaincus et aguerries combattants, les passionarias, les alliés substantiels de ces principes et de ces valeurs. C’est ce que je cherche à vous inspirer, en vous proposant la nouvelle résolution.